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La protection des espaces naturels au profit de la biodiversité.




Extrait d’un article paru dans Sciences et Avenir en décembre 2020

Echanges entre Isabelle Arpin (chercheuse à l’INRAE) et Gilles Bœuf (biologiste, professeur à l’université Pierre et Marie Curie).

Post proposé par Francis Bracq


Du bilan de protection des milieux naturels.

- Isabelle Arpin : La création de zones protégées est venu du constat qu’une espèce ne pouvait être pérennisée qu’en protégeant son milieu naturel. C’est ce qui a justifié, par exemple, la création du parc national de la Vanoise en Savoie en 1963, pour protéger le bouquetin. Cette politique a donné des résultats majeurs. Le bouquetin n’est plus menacé, mais c’est aussi vrai pour nombre d’écosystèmes remarquables et de paysages. Sans les parcs nationaux et les différents statuts de préservation, des régions magnifiques auraient été défigurées…./…. Pourtant, si la création d’aires protégées est essentielle elle n’est pas suffisante. Il faut aussi y mettre des moyens financiers, payer des hommes et des femmes qui s’assurent que la protection est bien réelle et font respecter les règles de gestion sous peine de créer des réserves de papier [le budget 2020 de l’Office français de la biodiversité s’élève à 433 millions d’euros dont 66.5 millions pour les 11 parcs nationaux].

- Gilles Bœuf : Il y a eu de fabuleuses réussites. Je préside deux réserves, l’une sur terre avec la forêt de Massane et l’autre en mer avec la réserve marine de Banyuls-Cerbère…/…. Ce sont de tout petits espaces. La réserve marine couvre 650 hectares, la forêt de Massane 337 hectares. Mais cette dernière recèle 2000 espèces de coléoptères dont certaines sont endémiques. Si nous n’avions pas protégé la Massane en 1973, ce serait aujourd’hui un golf.


Comment s’y retrouver dans les différentes appellations de zones protégées ?

- GB : J’ai effectivement du mal à expliquer la différence entre un parc national ou régional ou une réserve ! Il y a plus de 300 sites protégés en France avec des statuts différents et des richesses différentes. La forêt de Massane compte ainsi 8000 espèces tandis que l’inventaire du Mercantour en recense 10000. Mais le Mercantour est bien plus vaste et pose bien d’autres problèmes de gestion en matière d’usage et de surveillance …/… Le Mercantour sans les humains n’est pas imaginable. En revanche, en autorisant la présence de 5000 moutons qui deviennent 50000 au fil du temps, ça ne va pas non plus. Il faut constamment trouver des équilibres.

- IA : Il existe effectivement une grande complexité de statuts, des différences pouvant même exister entre deux réserves contiguës, l’une autorisant les chiens l’autre pas, par exemple. Cette complexité est le résultat d’une histoire…./… La principale difficulté est la légitimité. Les différents statuts en sont l’illustration. Pas facile de convaincre les différents acteurs locaux de l’intérêt même de la préservation.


La création d’aires protégées est critiquée comme étant une façon d’exclure l’activité humaine en mettant « la nature sous cloche ».

- GB : Les réserves suscitent beaucoup d’inquiétudes économiques. Ainsi dans les Pyrénées Orientales, les objectifs de préservation sur la zone protégée du littoral d’Argelès – fréquentée en juillet par 700000 estivants – sont beaucoup plus ardus à atteindre que dans la forêt de Massane qui nécessite de marcher plus d’une heure pour s’y rendre. A Banyuls, les pécheurs initialement craintifs, sont aujourd’hui rassurés de pouvoir pêcher autour de la réserve intégrale. …/… Nous ne sommes pas un pays en avance sur ce point, l’Allemagne a plus de zones protégées que nous alors que la densité d’habitants y est plus forte.

- IA : « Mettre la nature sous cloche » est une expression très excessive et largement fausse. La création de zones protégées n’a jamais signifié la fin des activités, sauf pour la chasse. Le pastoralisme, l’activité forestière perdurent. Le tourisme a parfois été lancé par la renommée d’un statut d’espace protégé.


L’essor des politiques de protection a-t-elle modifié le regard porté sur la nature ?

- IA : La création d’aires protégées reste difficile en Europe. Il faut aussi noter que les endroits qui profitent de ces mesures sont ceux où la nature se porte mieux qu’ailleurs…/

- GB : J’ai rencontré des gens opposés à la création d’une aire protégée mais qui, dix ans plus tard, s’en disent heureux. L’un des problèmes majeurs est le tourisme de masse (Scandola en Corse ou les Ecrins dans les Alpes)…/


Ces protections n’ont en rien empêché l’érosion de la biodiversité. Les zones naturelles ne sont-elles pas des pis-aller ?

- IA : Les mentalités n’ont pas assez évolué sur ce point. Il est dramatique de constater que l’on continue de se moquer de ceux qui s’occupent des « petits oiseaux » ou des « petites fleurs ». Si une grande partie de l’opinion et des décideurs a compris l’enjeu du réchauffement climatique, ce n’est pas le cas pour la biodiversité…./

- GB : Difficile de faire prendre conscience de ce fait alors que nous perdons les postes scientifiques qui s’intéressent à ces « petites bêtes » pourtant essentielles au fonctionnement des écosystèmes…/…En France nous avons perdu un tiers des oiseaux sur les zones agricoles…/



Article complet sur « Sciences & Avenir », décembre 2020



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