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L'Aigle royal


Aigle royal - Aquila chrysaetos- Aguila daurada


Il y a des jours où on a envie de secouer l’idolâtrie ambiante, envie de dire voilà l’oiseau dans sa vérité naturelle, dépouillé du costume trop grand, des couronnes trop lourdes à porter tressées par les Hommes depuis la nuit des temps, des craintes injustifiées, des fantasmes les plus fous. Fort de cette résolution, on se lance dans la rédaction d’une note sur un oiseau mythique, l’Aigle royal par exemple. Qu’arrive-t-il alors ? Ce qui devait arriver, bien sur, vous vous trouvez un brin de laurier dans chaque main… tressant une couronne que vous vouliez brûler ! Fataliste, vous vous dites : c’est le poids de l’Histoire sans doute et c’est vrai qu’il est trop lourd pour être ignoré, des Aztèques aux Grecs anciens, des cavaliers Mongols à nos rois et empereurs, peu d’oiseaux ont été ainsi glorifiés, peu ont provoqué une symbolique aussi forte. Cette dimension ne pouvant être évitée, vous versez dans un grand chaudron une dose de respect, une pincée d’élégance, une louche de puissance et de majesté, un zeste d’irrévérence et deux doigts d’humour, vous mélangez…et vous vous décidez enfin à parler en toute simplicité d’un grand gaillard emplumé vivant là haut sur nos montagnes !

En France, on l’appelle l’Aigle royal depuis Belon (naturaliste du 16éme s.), ses noms scientifique et Catalan signifiant l’Aigle doré. Les plumes de la tête et de la nuque ont en effet des reflets dorés, détail peu visible de loin où elles apparaissent plus claires que le reste du plumage à dominante brun sombre de l’adulte. Les jeunes et immatures montrant des taches blanches plus ou moins étendues sur les ailes et une queue blanche barrée de noir à son extrémité. Contrairement à nous ces « cheveux blancs » vont foncer avec l’âge, à 6 ans notre oiseau aura son plumage adulte (peut-être qu’une décoction de plumes d’Aigle, mélangée à l’inévitable bave du crapaud, saurait-elle nous rendre, amis grisonnants, notre chevelure d’antan ?).

Lorsqu’il déploie ses ailes, son envergure est impressionnante (jusqu’à 2,27m !), seuls le Vautour fauve et le Gypaète barbu sont plus grands que lui parmi les rapaces visibles sur nos montagnes.

Comme chez tous les rapaces diurnes, la vue est le premier outil du chasseur, vous savez tous, bien sur, que celle de l’Aigle royal est excellente ; son acuité est estimée comme étant huit fois supérieure à celle de l’Homme, un lièvre peut-être détecté à plus d’un kilomètre ! La structure des yeux permet une bonne vision latérale, mais aussi frontale. Une arcade sourcilière très développée protège les yeux, donnant à l’Aigle son légendaire regard sévère.

Un grand sens tactique, un vol rapide et des serres puissantes (pression évaluée à 250 kg/cm²) avec lesquelles il tue, complètent l’attirail d’un chasseur efficace. Son bec puissant et tranchant servant surtout à la découpe des chairs.

En France, il a quitté depuis longtemps les massifs forestiers de plaine (pression humaine, chasse) pour se réfugier dans les massifs montagneux ou deux types de milieux sont nécessaires à sa survie : des falaises pour bâtir son aire sur une vire et des espaces ouverts où il pourra chasser à vue.

Son régime alimentaire se compose surtout de mammifères de taille moyenne (marmottes en particulier, lièvres, écureuils, fouines, renards…), mais aussi d’oiseaux (perdrix, cailles, pigeons…). Lorsque ses proies vivantes manquent ou se font plus discrètes, en hiver par exemple, il est volontiers charognard.

Comme dit plus haut, l’Aigle royal niche en falaise dans des secteurs tranquilles et peu accessibles, son aire peut atteindre de grandes dimensions car il la charge chaque année de branches nouvelles qu’il brise en se laissant tomber sur le feuillage. Il peut également nicher sur un arbre, à l’occasion. Deux œufs sont pondus, mais en général un seul jeune est élevé ; l’Aigle royal pratiquant le caïnisme : le premier éclos, donc le plus développé, accapare la nourriture et finit par tuer le cadet affaibli sans intervention des parents. Parfois, sans doute les années d’abondance, les deux jeunes vont à l’envol. Le cycle de reproduction s’étend de février à juillet.

L’Aigle royal est strictement sédentaire, les jeunes sont erratiques à la recherche de leur futur territoire

Sa population dans notre département est stable (14 à 16 couples), on le trouvera dans les Corbières, où il niche très bas (200m) et dans tous nos massifs montagneux.

Les menaces qui pèsent sur lui sont celles liées aux dérangements humains, aux lignes électriques, à la fermeture des milieux, mais aussi aux poisons déposés pour lutter contre les renards et les chiens errants.

Il est temps de nous retirer, Sa Majesté ayant exprimé le désir de faire de même !

Bonnes observations !


Yves Demonte


Photo: André Labetaa


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